L’épistémologie comme théorie des points de vue – application aux sciences sociales
Épistémologie [au sens large] : « Étude de la connaissance scientifique en général »
On pourrait définir autrement l’épistémologie, grâce au terme « point de vue ». Pour voir une partie de la réalité, on adopte tous un point de vue. De votre banc, vous avez un point de vue différent sur la classe que votre professeur : vous en voyez d’autres choses, différemment. Notre point de vue est la position à partir de laquelle on observe, on perçoit la réalité [perspectivisme].
La métaphore des lunettes permet d’illustrer en quoi les différents paradigmes offrent des visions différentes de la réalité.
Pour observer la réalité, les scientifiques adoptent eux aussi une position de départ, en fonction de ce qu’ils veulent observer. Tout point de vue (même scientifique, même des sciences dites « de la nature ») éclaire la réalité d’une certaine façon. Tout point de vue a un domaine de pertinence (des choses qu’il permet d’observer de manière efficace, riche, qui augmente la connaissance) et des limites (des choses qu’il ne permet pas de voir, une part de rejet, à nuancer), en fonction de l’objet qu’on regarde et des buts que l’on poursuit.
NB : il existe sans doute également des points de vue « à côté de la plaque », trompeurs, biaisés, illusoires, etc.
Exemple : la pomme
La pomme constitue une seule réalité, et pourtant nous pouvons adopter à son propos plusieurs points de vue [et engendrer par conséquent plusieurs perceptions].
Examinons les perceptions possibles : vue –de près ou de loin–, extérieur, intérieur, toucher, goût, « historique » (la pomme provient du pommier), contextuel (cette pomme qui est dans ma main ; environnement autour de cette pomme), usage (cette pomme peut devenir un projectile si je la lance), composition moléculaire, etc.
Si une pomme, réalité apparemment « simple », permet tant de manières d’être appréhendée, que dire des phénomènes sociaux, tellement plus complexes ?
Parmi les nombreux points de vue qui existent par rapport à la réalité [pluralisme], il y a celui des sciences sociales (explication du social par le social).
Au sein de ces sciences sociales, il existe plusieurs points de vue [paradigmes – épistémologie].
Exemple : l’eau
Pour concilier les affirmations « l’eau est bonne pour la santé » et « l’eau est mortelle », il convient de remettre chacune d’entre elles en perspective. Chacune de ces affirmations est vraie dans une certaine mesure.
Exemples dans les sciences dites « exactes »
Les points de vue (et donc les outils et critères) mathématique et physique permettent aux ingénieurs de construire des bâtiments qui tiennent. Mais l’esthétique (la beauté) de ces bâtiments sera jugée selon d’autres critères.
La plupart des points de vue comme ensemble de postulats, de données de départ admises pour observer la réalité (on parle de paradigmes) en sciences dites « exactes » ont évolué : le darwinisme en biologie (versus le créationnisme) ne permettait pas d’expliquer l’apparition de nouveaux caractères (mutations génétiques) et ne permet toujours pas d’expliquer pourquoi existerait la sélection naturelle (raisons, finalité, etc.), etc. La physique quantique et la théorie de la relativité remettent en cause Newton. L’arithmétique classique a été mise en place par G. Frege corrigé par B. Russell. Etc.
Tous les points de vue sur un objet ne se valent pas (certains ont plus d’enjeux que d’autres, plus d’efficacité dans certains cas, notamment en fonction de ce que l’on veut observer, démontrer, de l’utilité, de la capacité à prédire ou à expliquer des phénomènes…), mais on n’a pas non plus un point de vue qui expliquerait tout. Chaque point de vue est donc « valable dans une certaine mesure ». C’est cette position humble qu’il faut adopter lorsque l’on rentre en sciences, surtout en sciences sociales : c’est en examinant plusieurs points de vue, plusieurs éclairages, que nous pourrons développer une connaissance riche et nuancée de la réalité que nous observons.