2012 s’achève : l’occasion de revenir sur cinq chiffres marquants parmi d’autres, épinglés en toute subjectivité dans la masse d’événements de l’année. Retour sur cinq chiffres qui donnent envie d’être en 2013 (pour découvrir la suite des évolutions qu’ils reflètent) ou qui font que 2012 ne nous manquera pas…
Plus d’un milliard
Plus d’un milliard de dollars. C’est la somme dépensée approximativement par chacun des candidats, leurs partis et « sponsors » dans le cadre de la campagne présidentielle US en 2012. Ces sommes sont en partie le fruit de donation de particuliers et de soutiens majeurs (au sein d’universités, notamment).
Les candidats aux élections américaines, que ce soit la présidentielle, pour le Sénat ou la Chambre des représentants, auront dépensé environ 6 milliards de dollars en 2012, selon le Center for Responsive Politics, qui analyse et publie toutes les dépenses électorales, soit environ 13 % de plus que l’édition 2008.
Pour la seule élection présidentielle, les candidats, leurs comités de soutien et les partis nationaux auront dépensé environ 2,6 milliards de dollars, un chiffre moindre qu’en 2008 quand Barack Obama, qui était passé par l’étape des primaires, et John McCain avaient dépensé 2,8 milliards de dollars. Le total des dépenses consacrées aux élections législatives devrait se monter à 1,82 milliard, une somme équivalente à 2008 (Source : Le Monde. En savoir plus : http://www.opensecrets.org).
En France, les dépenses des deux principaux candidats avoisinent les 21 000 000 d’euros. Bayrou, Mélenchon et Le Pen suivent avec des chiffres entre 7 et 9 500 000 d’euros. Les « petits » candidats totalisent ensemble un bon 5 000 000 d’euros de dépenses (Source : Le JDD. En savoir plus : http://www.journal-officiel.gouv.fr).
Pas de panique, lors des dernières présidentielles, les dépenses étaient très similaires.
Plus de 5000
Plus de 5000. C’est le nombre de partages obtenu par une image assortie d’un commentaire ouvertement raciste (*) mettant en scène un sans-abri avec un chien, sur le réseau social Facebook [mise à jour : elle tourne encore massivement à des fins racistes en 2017]. Elle mérite à mon sens qu’on s’y attarde un peu.
La photo en elle-même suscite une grande empathie avec l’homme et l’animal. Elle est touchante, fait appel à l’émotion, et la partager peut donner la sensation de « faire quelque chose » pour aider les protagonistes. Il est malheureusement vrai par ailleurs qu’en Belgique, de trop nombreuses personnes sont sans-abri (l’absence de chiffres officiels renvoie à des estimations allant de plusieurs centaines à près de 50 000).
Le texte qui a fait l’objet du partage sur Facebook (*) est un ajout. Outre son style médiocre et la surponctuation qui le caractérise, il induit quant à lui des affirmations tout à fait fausses.
D’abord, sur la photo en elle-même. La photo n’a pas été prise par la personne à la source des 5000 partages sur Facebook. En fait, lorsque l’on fait une recherche inversée sur l’image, ou que l’on tape « homeless with dog » ou bien « sans abri avec chien » sur Google images, on retrouve ce cliché (cette fois, sans le texte qui l’accompagne) à différents endroits sur le web, qui ne sont bien entendu aucunement liés avec le texte qui est apposé ici. On le trouve par exemple déjà en janvier sur des sites hispanophones et anglophones (notamment ici). On peut également voir les deux mêmes personnages dans un autre cliché (entres autres ici). En fait, il est fort probable que l’individu ne soit pas belge, et par ailleurs possible qu’il ne soit même pas sans abri.
Ensuite, il induit en erreur sur l’action politique. Tout simplement parce qu’il n’est pas incompatible de s’occuper de l’immigration tout en s’occupant des sans-abris belges. Ce sont deux problématiques différentes, liées chacune à d’autres sujets. Les décisions prises sont bien plus complexes qu’un choix entre « s’occuper des uns » et « laisser crever les autres ». Bien qu’il est faux de laisser croire que « les gens ne peuvent pas comprendre » l’infinie complexité de la politique (encore faudrait-il tenter de la leur expliquer, cf. Pourquoi l’info politique grand public est-elle si pauvre ?), ce genre de raccourci (et d’amalgame) est plus que simpliste.
Cette dernière remarque en appelle une dernière, la plus grave : celle des dérives racistes et xénophobes (aussi dans les commentaires des sites de presse).
Le problème est ici que le genre de personne qui relaie cette image ne se sent pas nécessairement raciste ou xénophobe. Elle ne fait à ses yeux qu’afficher une priorité d’action : d’abord, on balaie devant chez soi, on s’occupe de ses affaires. Et puis quel monstre ne voudrait pas venir en aide à ces deux êtres si attachants sur l’image ? Après, éventuellement, on s’occupe des autres. Cependant, non seulement ces « préférences culturelles » ou « identitaires » affichées ne sont pas toujours pertinentes (comme nous le disions ci-dessus), mais qui plus est, celles-ci sont amenées à être lues, entendues et interprétées par un public. C’est exactement le raisonnement que nous expliquons dans l’article intitulé Les polémistes sont-ils responsables des interprétations de leurs propos ? : lorsque l’on s’exprime sur l’espace public, il n’y a pas que ce qu’on dit à quoi il faut faire attention. Il faut faire attention également à la manière dont ce qui est dit va être perçu. Les personnes sont en partie responsables des interprétations de leurs propos.
Et pour savoir comment cela va être perçu, il suffit de se référer à certains commentaires…
Cet événement spécifique n’est que la pointe de l’iceberg de la montée de propos racistes, xénophobes (ainsi qu’homophobes) et de discours fanatiques ou de propagande sur les réseaux sociaux et forums, qu’il s’agisse de propagande de guerre (quel que soit le « camp ») ou encore de hashtags orduriers (exemple de #UnBonJuif) ou plein de clichés et de discriminations, pour ne citer qu’eux. Le tout, sur fond de montées constantes de partis ou d’idées extrémistes en Europe.
Malheureusement, et contrairement à ce que certains se plaisent à penser, je crains que l’Humanité ne retienne pas toujours les douloureuses leçons de l’Histoire… Quand d’autres pays sont en guerre plus ou moins déclarée (cf. notamment cet article de Slate.fr), peinent à établir un régime de libertés ou encore n’en ont aucunement le projet, on ne peut que souligner toute la précarité de cette chance…
Comme certains lecteurs le savent, je suis très attaché à la question des dérives liées aux questions culturelles et identitaires. Cf. notamment Idéologies, communautarismes et arrogance, L’idéologie de l’identité, L’identité selon Brubaker.
24 %
Puisqu’on en est à craindre pour les bases de nos fragiles démocraties, et qu’on a parlé de votes plus haut, parlons d’urnes.
24%, c’est la proportion de citoyens belges francophones qui ont voté blanc, nul ou se sont abstenus lors des dernières élections à portée nationale (communales) dans les grandes villes (échantillon : Liège, Namur, Mons, Bruxelles, Charleroi, Arlon). Or, en Belgique, le vote est obligatoire, bien que Mme Turtelboom ait avoué que dans les faits, il n’y aurait pas vraiment de sanction en cas de non-respect de ce devoir.
Traduction : dans les principales villes francophones, 24% de la population, soit un citoyen sur quatre soit ne s’est pas déplacé pour aller voter (17%), soit s’est déplacé pour effectuer un « non-choix » parmi les propositions de candidats. C’est sans compter les voix recueillies par des partis qui revendiquent ouvertement une contestation du système actuel. Autrement dit encore, plus d’un citoyen sur quatre émet une critique dirigée à l’encontre du système tout entier. Cette masse silencieuse l’est d’autant plus qu’aucun représentant politique et aucun média ne se sont attardés sur ces chiffres qui représentent une sacrée « défaite » pour tout le monde…
300 et 3000
A propos de chiffres choquants passés relativement inaperçus, 300 et 3000 sont les chiffres relatifs aux viols (respectivement viols collectifs et tous viols confondus) en Belgique. Concrètement, cela signifie près de 9 viols par jour, et 5 viols collectifs par semaine (source : La Libre). Une criminalité encore bien loin des idéaux auxquels pourrait laisser croire un pays dit développé.
Plus d’un milliard
Mais il serait dommage de terminer cette rétro (tout à fait lacunaire, partielle et partiale) sur toutes ces notes sombres. C’est la raison pour laquelle j’ai voulu « boucler la boucle » en terminant par quelque chose de plus léger. La vidéo « Gangnam Style » de PSY a totalisé plus d’un milliard de vues sur Youtube. Certains y verront peut-être une dérive supplémentaire.
Au contraire, pour moi, pourvu que tous ces chiffres ne représentent pas une raison de se lamenter, mais bien une raison de savourer le passage à l’année 2013, sans regretter 2012. Il ne s’agit ni d’oublier ces données, ni de faire comme si elles représentaient la société dans son ensemble (cf. Introduction – « la société »), mais bien d’espérer que l’année 2013 puisse aller dans le sens d’un mieux.
C’est peut-être aussi le moment, pourquoi pas, d’agrémenter cet espoir de résolutions qui font sens?
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