Avril 2024. Philomedia totalise à ce jour 315 articles et pages, rédigés sur une période qui s’étend sur plus de dix années consécutives. Mais depuis deux ans, ce site est en friche. J’essaie de mettre des mots sur le blocage qui m’anime…
Mon livre, puis la page blanche
En janvier 2022, Nuance ! La puissance du dialogue parait aux éditions Les Pérégrines. Cet ouvrage représente à mon avis la concrétisation de plusieurs années de cheminement philosophique. En effet, il est au croisement de l’analyse critique du fonctionnement des médias et de réflexions quant à la vérité (épistémologie) et à l’éthique. Depuis, je me consacre énormément à sa promotion (cf. ce que représente le travail d’écriture d’un livre). Ai-je fait le tour de tout ce que j’avais à exprimer ?
Tout a-t-il déjà été écrit ?
Le web, ce terrain de jeu privatisé
Lorsque j’ai créé Philomedia en 2014, après avoir alimenté un blog pendant plusieurs années, j’étais toujours bercé par des idéaux de partage gratuit du savoir, de la culture et de la réflexion. Les memes internet étaient en plein boom et il existait encore des sites ou réseaux sociaux où l’air était encore respirable. Mon site arbore toujours fièrement son affiliation à l’esprit des licences Creative Common avec un bandeau « sans pub et indépendant ».
Puis il y a quelques jours, je découvrais cette lettre ouverte de Tim Berners Lee (principal inventeur du World Wide Web) :
« L’ensemble de son infrastructure était sous-tendu par l’intention de permettre la collaboration, d’encourager la compassion et de générer de la créativité […] Pourtant, au cours de la dernière décennie, au lieu d’incarner ces valeurs, le web a contribué à les éroder […] Lorsque le web a eu 30 ans, j’ai dénoncé certains des dysfonctionnements causés par le fait que le web est dominé par l’intérêt personnel de plusieurs entreprises qui ont érodé les valeurs du web et conduit à des ruptures et à des préjudices ».
Cela m’évoque des tendances que j’épinglais dans plusieurs articles relatifs à l’économie des médias. On va vers davantage de concentration avec un focus sur des intérêts politiques et financiers. On subit en parallèle une judiciarisation croissante de la société (notamment au niveau du copyrighting. Cf. aussi cet article pour en savoir plus), mais pas en faveur de la liberté d’expression, de la vie privée (et des libertés individuelles en général) ou de garanties des espaces de contre-pouvoir.
On est loin de l’intention de départ.
A titre personnel, j’ai d’ailleurs déjà vécu des expériences qui ont contribué à m’échauder quant à ce que je publie ou (re)diffuse en ligne : réclamation financière, attaques personnelles, intimidations, atteinte à la vie privée…
Ce n’est plus un vaste terrain de jeu bon enfant où l’on partage dans la joie et la bonne humeur, mais un espace encadré, privatisé, au service des profits et des intérêts de quelques-uns (ce passage sonne super réac’, à la relecture, mais quand même…).
Je suis un pot de terre
En 2021, j’écrivais un article intitulé Les pots de terre. Il commence en ces termes : « Je suis un pot de terre. Je me sens impuissant face aux injustices et aux dysfonctionnements de ce monde. Pas vous » ?
Cela ne m’a pas empêché de témoigner humblement de mes petits gestes pour l’environnement et le bien-être animal, quelques mois plus tard. Mais c’était vraisemblablement un soubresaut.
Le fait est que je suis découragé. Mes écrits ou mes actes ne représentent que quelques gouttes d’eau (parmi d’autres, je ne prétends pas être seul) dans un océan qui est en train de se merdifier. Lorsque je consulte les actualités sur les réseaux sociaux, il me faut généralement moins de deux minutes pour ressentir de l’acidité et de l’angoisse.
> Lire aussi Quand un jour nous mourrons (2022) et #Lasociétay #Lesystayme #Lémédia #Légens et #lémoutons (2022)
Bien sûr, j’ai reçu aussi du soutien, des messages positifs et/ou constructifs (notamment pour Nuance), et même des marques de reconnaissance publiques de mon travail (que ce soit à travers des sollicitations pour des interventions et rédactions ou une bourse d’aide à la publication, entre autres). J’éprouve beaucoup de gratitude et suis très honoré par tout cela ; j’ai conscience que ce n’est pas rien. Je n’aurais certainement pas continué à écrire sans ces coups de pouce encourageants. Mon travail m’a aussi permis de faire de belles rencontres et d’approfondir ma réflexion. Et en même temps, ne prêche-t-on pas toujours que des convaincus ? Le rapport entre le prix payé et les gains est-il proportionné ?
Je me suis épuisé.
Alors, la suite ?
Dans un texte plus personnel oscillant entre humanisme et misanthropie, j’écris :
« Je te racontais mes doutes et mes insomnies et finissais toujours malgré tout par laisser la place à une force optimiste qui, je le pensais, me dépassait ».
Je vais tâcher de la laisser prendre la plume ici encore. Mon cerveau fonctionne toujours. Il y a plusieurs thèmes qui occupent mes pensées actuellement, listés dans un coin de mon esprit. En 2023, j’ai recommencé timidement à lire autre chose que de la fiction (ce que je n’arrivais plus non plus à faire dans les mois qui ont suivi la sortie de mon livre). Je n’ai pas la prétention de croire que l’on ne pourrait pas se passer de mes contributions, mais je pense que si elles peuvent faire du bien à ne serait-ce que quelques personnes, alors tout n’est pas perdu. Je ne vais rien promettre, rien forcer. Peut-être que d’avoir mis des mots sur mon état du moment me permettra-t-il d’en sortir prochainement ?
3 février 2021
Si un jour je dois me faire terrasser pour de bon, je m’arrangerai pour entrainer ceux qui ont œuvré à me faire tomber dans ma chute.
En attendant, je me relèverai chaque fois et je ferai de mon mieux pour améliorer les choses.
Même si ce n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan.
Je continuerai à tenir mes idéaux, à travailler pour plus d’équité et pour une vision du bien commun.
Je veux toujours croire que « tout ça vaut le coup », ne serait-ce que pour une seule personne, pour un seul rayon de soleil…
Altruisme versus égoïsme, bien commun versus justices iniques / individualistes, misanthropie et philosophie morale : « l’humanité mérite-t-elle d’être sauvée » ?
A venir : la suite de ce récit ? Ca faisait longtemps. C’était dans une autre vie. | Philosophie, médias et société
Jean-Jacques : « Tu avais raison, Thomas. Nous sommes impuissants. Face à ceux qui ont plus de pouvoir que nous et qui en abusent, nous en sommes réduits à vouloir en acquérir davantage pour les défaire. Ce faisant, nous devenons comme eux… »
« Le pouvoir corrompt. Dans différentes mesures, certes. Mais ceux qui ne veulent pas en abuser sont bien vite évincés par ceux qui souhaitent en profiter et le garder, de sorte que l’on dépense bien plus d’énergie à lutter pour le garder qu’à en faire un usage altruiste ».
Thomas : « Je voudrais éliminer tout ça. Toutes ces injustices, ces hiérarchies, ce manque de scrupules… Faire tomber les trônes et les systèmes qui autorisent de tels actes. Mais nous sommes bien trop faibles, Jean-Jacques ».
Jean-Jacques : « Une chose que j’ai apprise lorsque j’ai été confronté à des injustices, voire à des violences à mon encontre, c’est que je n’étais jamais seul. Nous n’étions pas suffisamment nombreux pour rééquilibrer les choses, mais je n’étais pas seul ».
Annihiler.
Utopie impuissante piétinée.
Annihilé.
Face aux injustices, face à la violence, face à la mort,
Parfois, je voudrais être comme ceux que j’abhorre.
[A venir ?]