Cet article fait suite à la lecture de ce témoignage d’une enseignante, que l’on a pu lire dans la presse : « Le désarroi d’une prof qui parle de Charlie à ses élèves » (2015).
Mon propos ici est d’analyser ce témoignage, et d’ouvrir la réflexion sur des pistes éducatives pour aborder ce sujet.
A la lecture de cet article, j’ai été choqué (comme l’enseignante a pu être choquée par ce à quoi elle a été confrontée). A chaud, je me suis dit que cette prof a raté l’occasion de faire véritablement son métier, ce jour-là.
Mon ami Cyrille Frank m’a fait remarquer que mes propos étaient durs, démesurés sans doute. En effet, et je le rejoins, une enseignante ne peut régler à elle seule les tensions auxquelles elle a été confrontée. Ce problème la dépasse à plusieurs niveaux, et il ne faut pas chercher bien loin pour constater que certains individus subissent un puissant endoctrinement.
L’émotion est encore grande par ailleurs. Ces attentats et meurtres ont eu l’effet d’une gifle pour les citoyens, de toutes cultures. Il serait malvenu de la fustiger parce qu’elle n’a pas eu une réaction « à froid ». Ce serait inhumain de demander aux profs de ne pas avoir de réaction émotionnelle, quand le reste de la population partage un deuil…
De plus, elle n’avait pas l’air de s’attendre à la réaction de certains jeunes. Elle a été prise de court, elle n’y était pas préparée et a donc fait ce qu’elle a pu. Elle dit à deux reprises avoir été choquée, ce qui est tout à fait compréhensible.
Les professeurs n’ont pas la mission la plus facile qui soit, et beaucoup d’attentes reposent sur eux, pour une reconnaissance relativement faible par rapport à leur travail… L’article que j’ai choisi de traiter ici n’est d’ailleurs pas le seul témoignage d’un enseignant qui a rencontré des difficultés lorsqu’il a abordé le sujet de Charlie Hebdo.
Pour ces raisons et d’autres encore, je tiens à souligner, et ce en cohérence avec les propos qui vont suivre, qu’il est justement sain que l’émotion de la prof dont il est question ici puisse être exprimée et entendue, et que l’on puisse retrouver une démarche constructive qui ne nie pas cette facette de la réalité.
Je ne suis d’accord ni avec ce qu’elle a dit, ni avec sa manière de le dire. Pourtant, je peux essayer d’entendre son émotion (la reconnaître, être empathique avec elle, comprendre son ressenti) et, plutôt que de vouloir la faire taire parce que ses propos m’ont choqué, je peux ouvrir le dialogue avec elle.
Ceci étant dit, et justement parce que je suis de ceux qui pensent que l’enseignement est un pilier fondamental de la civilisation, je reste vraiment perplexe par rapport à la réaction de cette enseignante.
Voici pourquoi.
Une minute de silence perçue en mode « ferme bien ta bouche »
D’abord, elle mentionne qu’un élève lui demande « Pourquoi respecter une minute de silence pour des gens que je ne connaissais pas ? », qu’elle a « trouvé cette réaction violente » et que « ses camarades ont été choqués également ».
Sa réaction ? Lui rappeler « l’évidence », tenter de manipuler l’assemblée et jouer sur le conformisme (« plomber l’ambiance ») : « il fallait éviter que d’autres s’amusent à jouer les caïds pour épater la galerie pendant ce moment de recueillement ».
Derrière ce qu’elle interprète comme un comportement de caïd, il y a une vraie question de fond. Ne pas prendre ses élèves aux sérieux, première erreur didactique.
Peut-être voulait-il jouer le caïd, mais en lui donnant comme seule réponse de se taire par rapport à une question qui n’est absolument pas évidente, elle nie les valeurs qu’elle prétend honorer. Que dire des musulmans décimés dans le conflit israélo-palestinien, des morts en Irak, en Syrie, en Afghanistan… De ces humains tués par milliers, pour qui on ne fait pas de minute de silence ?
A ce sujet, lire notamment « Ces morts que nous n’allons pas pleurer ».
L’enseignante continue ensuite :
« Durant la minute de silence, dans les autres classes, il y a eu plusieurs expulsions d’élèves, les uns parlaient, disaient des choses affreuses, les autres rigolaient. Un petit de 6e de confession musulmane a carrément refusé de respecter la minute de silence. Tous ces élèves un peu « retors » ont été envoyés chez le principal de l’établissement et chez l’infirmière scolaire pour entendre un discours différent de celui qu’ils entendent sans doute chez eux ».
Visiblement, elle est loin d’être la seule à être dans le désarroi. Cependant le vocabulaire utilisé est symptomatique : « disaient des choses affreuses » « carrément refusé » « ces élèves un peu « retors » » ! Ces mots sont forts. On la sent estomaquée, comme frappée au ventre.
Dans la suite de son récit, elle mentionne une autre jeune, qui lui dit « Madame, on ne va pas se laisser insulter par un dessin du prophète, c’est normal qu’on se venge. C’est plus qu’une moquerie, c’est une insulte ! »
Il y a deux choses dans cette phrase, que la prof ne semble manifestement pas distinguer.
D’une part, il y a caution de l’acte commis. Ce n’est pas acceptable. Non, ce n’est pas normal que l’on se venge, que l’on veuille faire taire ceux qui nous choquent (…).
Mais d’autre part, il y a aussi la blessure, et l’émotion qui résulte des caricatures. La même émotion ressentie par cette enseignante par rapport à des enfants qui refusent de faire une minute de silence ou qui en questionnent le sens.
Elle dit : « j’étais choquée, j’ai tenté de rebondir sur le principe de liberté et de liberté d’expression ». C’est paradoxal. Au nom du principe de liberté d’expression, ces jeunes n’auraient pas le droit d’exprimer leur perplexité, leur colère ? De quelle liberté d’expression est-il question ? Y aurait-il en France une liberté d’expression à deux vitesses, qui fait que le choc et les émotions désagréables imposés à certains sont plus légitimes que d’autres ?
Ce n’est pas de liberté d’expression dont il est question lorsqu’il s’agit de condamner des actes criminels, mais de principes avec lesquels une grande partie de musulmans se dit d’accord (cf. entre autres Hassen Chalghoumi, Tareq Oubrou, Mohamed Ramousi, Muhammad Tahir-ul-Qadri…). A cela s’ajoutent des communiqués signés par des collectifs d’associations (celui du MRAX) et autres messages publics. Il est donc possible de se baser AUSSI sur l’islam, une certaine lecture ou une certaine pratique de celui-ci, pour condamner les crimes commis, les meurtres.
Par contre, il est bel et bien question de liberté d’expression lorsque des individus expriment un désaccord, choquent.
Il est facile de parler de liberté d’expression lorsque l’on a l’impression que tout le monde est d’accord, lorsqu’il y a un unanimisme écrasant tout sur son passage, tel un rouleau compresseur. Un défi d’une société qui prétend à la liberté réside dans l’organisation équitable du débat pluraliste et de la critique. Il faut accepter que l’on puisse condamner les crimes commis tout en étant choqué et/ou en désaccord par rapport aux caricatures (cf. à ce sujet cet article, celui-ci ou encore celui-là).
Continuons. Selon la prof, « leur professeur de français avait eu l’intelligence de leur montrer les unes de Charlie pour leur montrer que l’islam n’était pas la seule religion à être moquée. Mais ils réagissent avec ce qu’ils ont entendu à la maison ». Selon moi, cela fait partie de l’approche pédagogique. En effet, face au possible sentiment d’être stigmatisé – une fois encore – par cette France que les citoyens « pure souche » honorent (ce qui est paradoxal, quand on connait un peu Charlie Hebdo et ses « cibles » favorites), envoyer le message que l’on ne veut pas faire d’amalgame. Je pense qu’il est nécessaire également d’aller plus loin, ce que font probablement de nombreux professeurs (y compris ce professeur de français).
Dans la fin de cet article, je sens comme du découragement de la part de l’enseignante, ainsi que de la peur, ce qui peut se comprendre. Elle écrit : « »Mais ils réagissent avec ce qu’ils ont entendu à la maison […] Les communautarismes ont resurgi d’un coup ».
Le message, cependant, est terriblement connoté. Cette prof nous met face à ce qui est pour elle une fatalité. Au fond, « on a tout essayé » (en une heure de cours), on a tenté de leur inculquer les « bonnes valeurs républicaines », mais ils n’ont rien compris.
Ces jeunes sont irrécupérables. « Nous ne pouvons rien faire, face à leur famille, leurs parents qui leur mettent des trucs pas catholiques (…) en tête ».
Ne s’est-elle pas interrogée sur le fait que ces jeunes allaient se reconnaitre dans cet article ? Eux, ces « hors-système » avec lesquels la France a tout essayé mais qui ne veulent désespérément rien comprendre et s’intégrer ?
« Je venais de voir quelques-unes de mes élèves de confession musulmane debout, la tête baissée, presque gênées, pour elles, pour leurs familles, ça doit être dur de voir certains faire l’amalgame ».
La voilà la bonne attitude de personne musulmane : celle qui s’excuse pour des crimes qu’elle n’a pas commis. Celle qui baisse bien la tête, et qui ferme bien sa gueule… Est-ce cela le message à envoyer ? Je ne crois pas.
Le message envoyé par son attitude, c’est que la valeur de respect des uns est plus légitime que celle des autres ; que l’émotion des uns (la colère, la tristesse, la peur) est plus légitime que celle des autres ; que l’expression des uns (la minute de silence) est plus importante que celle des autres.
Ce n’est pas le message de la liberté d’expression.
Ce n’est pas le discours défendu par Charlie Hebdo, qui se bat(tait) (ou prétendait le faire) contre les dogmes, la parole unique. Toute proportion gardée (j’insiste), faire taire des gens à l’opinion dissidente, c’est ce que font justement les terroristes.
Toutes ces raisons font que pour moi, l’attitude de cette prof – et le fait qu’elle en fasse le récit dans la presse ! – envoie plusieurs messages dommageables aux jeunes ET sont incohérents avec les valeurs dont elle se revendique !
Je pense par ailleurs qu’il y a un symptôme inquiétant dans le fait que certains professeurs ne se rendent compte de ce qui se vit dans leurs classes que suite à ces attentats. Cette école bien-pensante et choquée n’aurait peut-être pas du attendre des attentats pour parler d’interculturalité et de vivre ensemble ? A quoi sert-il de former des intellectuels si demain, ils passent leur temps à se taper dessus ?
Alors, qu’aurait pu faire l’enseignante ?
– Pour moi, il est déjà intéressant d’interroger le caractère « obligatoire » d’une minute de silence. Si nous devions faire une minute de silence pour toutes les morts injustes et absurdes dues à la guerre, nous n’ouvririons probablement plus jamais la bouche, malheureusement. Il était possible de répondre à un jeune qu’il était libre de ne pas faire silence, pour peu qu’il ne perturbe pas la minute de silence de ses semblables qui ont envie de la faire (en allant ailleurs par exemple, dans une salle d’étude surveillée si c’est possible…). La minute de silence aurait pu concerner « tous ceux qui sont morts suite à l’absurdité d’une guerre, d’un meurtre ou d’un attentat, dans quel que pays ou quelle que culture que ce soit ». Libre à chacun d’honorer ceux qu’il souhaite, tant qu’il respecte la pratique des autres. Il s’agit là seulement de pistes parmi d’autres.
– Lorsqu’une question est posée, ou qu’une remarque est faite par un élève, il y a une opportunité d’apprendre des choses. De faire son métier de prof. Je suis déjà sorti exténué d’un débat que j’avais lancé sur des questions de racisme et de xénophobie dans une classe d’étudiants qui correspond à celle décrite par l’enseignante (en termes de mixité et de contexte social). Je suis conscient que ce n’est pas facile à gérer. Je sais cependant que j’ai pu assurer un cours sur la shoah et le conflit israélo-palestinien et bénéficier d’une participation constructive des élèves ensuite. Durant ce débat, je n’ai parlé que pour cadrer le débat (et il le fallait, c’était un terrain glissant, je ne le nie pas) : les élèves ont parlé de leurs réalités, je ne suis pas venu avec mes gros sabots leur imposer la mienne. Après, nous avons pu construire.
– Accepter que l’on puisse choquer, sortir de l’unanimisme et écouter (cf. tous ces moments plein de « bons sentiments » et d' »unité nationale » qui ont débouché sur plus de stigmatisation). On ne condamne pas des valeurs ou des émotions. Il est possible de les entendre, d’y faire droit.
Le problème est infiniment complexe : n’a-t-on pas le droit d’être choqué lorsque l’on a l’impression que la France soutient Israël ? Qu’est-ce qui fait que nous ne connaissons pas le nombre de civils morts en Afghanistan, en Irak, en Syrie… Et que les médias Occidentaux n’en parlent pas dans la presse ? N’est-il pas légitime d’être en colère quand l’immigration est un des sujets les plus traités par la presse en France, à travers les voix de Zemmour, Le Pen ou encore Houellebecq récemment ?
Comme pour le raciste qui a eu une mauvaise expérience avec une personne d’origine étrangère et qui fait l’amalgame, plusieurs jeunes dont il est question ont peut-être été brimés, injustement traités ou violentés par des gens ou un système.
Il n’est aucunement question de justifier la violence qui en résulte, mais de faire la part des choses : ce qui est condamné – avec fermeté -, ce sont les actes criminels, les propos haineux, la violence. Pas le vécu, le ressenti, leur expérience (cf. ma réflexion sur la sémantique et la pragmatique).
Edit 23/01/2015 : quelques extraits intéressants dans cet article d’une enseignante qui a pris le temps d’expliquer et d’écouter : « Les propos de certains de mes élèves, rares pour les provocateurs, plus nombreux pour les « testeurs », paraissent outranciers ? Écoutons-les. Que nous disent-ils d’eux, de notre société, de nous ? Ces élèves tâtonnent. Questionnent. Répètent. Provoquent. Essaient d’interpréter à partir des seuls cadres de pensée dont ils disposent. Ce sont des adolescents qui sont en train de se former. A les contrer en ridiculisant leurs vues que nous jugeons étriquées, passéistes et dangereuses, nous perdrons à chaque fois ».
– Condamner avec eux, et non contre eux. Être partenaires dans la construction. Organiser le dialogue constructif et pluraliste, qui peut permettre aux jeunes d’apprécier et de s’approprier les valeurs dont il rend compte.
Il y a des problématiques sur lesquelles le monde musulman gagnerait sans doute à se pencher : le fait qu’il y ait des passages interprétés de facto comme un appel au jihad dans le Coran, le fait qu’il n’y ait pas d’autorité religieuse centralisée avec suffisamment de légitimité pour assumer le fait que le Coran soit lu et interprété différemment par les hommes et que certaines lectures devraient prévaloir, etc. (Lire Abdennour Bidar – Lettre ouverte au monde musulman et une réponse aux thèses de A. Bidar par Adel Taamalli, qui est également dans un questionnement mais de l’ordre de la conciliation plutôt que de la réforme).
A ce titre, je pense qu’il est contre-productif de leur imposer une réflexion de l’extérieur (tout comme il me semble carrément inadéquat de leur imposer de s’excuser). Cette réflexion me semble d’autant plus belle et constructive qu’elle est portée par des musulmans (tout comme le mouvement #NotInMyName, ainsi que dans la vague d’expression de nombreux musulmans face aux crimes commis).
Bien sûr, il y a aussi une propagande nauséabonde (armée de théories du complot, appelant à la haine et à la violence) qui vise à recruter des jeunes et à en faire de la chair à canon… Celle-ci doit être déconstruite, par un travail de fond (cf. Dossier : lutter contre les discours de haine).
Cependant, pour qu’un enseignant arrive à cette réflexion, il doit déjà connaître un minimum l’islam, et le contexte dans lequel baignent les croyants. Balayer d’un revers de la main le sentiment que le prophète est insulté par des caricatures, c’est une erreur.
Par contre, les réactions de différents musulmans ont montré que l’on pouvait aussi condamner les actes terroristes à partir même de l’islam. Il y a des points d’accord : « tuer un homme revient à tuer l’humanité », « le jugement n’appartient qu’à Allah » (même si un musulman peut dire à un égaré qu’il le trouve égaré, le conseiller, le guider, ce n’est pas à lui de le punir). Le prophète n’a pas besoin d’être « vengé ».
Dans la mesure où il est possible de concilier religion(s) et droits de l’homme (par exemple), justement par le respect du pluralisme intrinsèque à la liberté d’expression, cette piste me semble prioritaire.
Au niveau rhétorique, je crois aussi que le fait d’aborder un problème d’une telle ampleur de front n’est pas la meilleure stratégie, du moins pas la seule. Dès le plus jeune âge, des œuvres ou encore l’Histoire nous permettent de dresser des parallélismes et de construire une réflexion critique partagée. Roméo et Juliette, ou encore « Les Rivaux de Painful Gulch » (Lucky Luke !) sont des exemples de supports de discussion (parmi tant d’autres) par rapport à deux familles qui se détestent depuis des générations, au point d’en avoir oublié pourquoi, par exemple. Ils permettent de mettre à distance l’émotionnel, du moins dans un premier temps.
Je crois que l’esprit critique véritable est capable d’une autocritique. Fustiger les autres, c’est facile, mais assumer sa part, ce n’est pas évident. C’est la paille et la poutre. Exercer son jugement moral, y compris envers soi-même, cela s’apprend, se travaille, s’entraine (cf. Hannah Arendt).
– « L’idéologie n’est jamais assumée en première personne : c’est toujours l’idéologie de quelqu’un d’autre », écrivait Ricoeur à ce sujet. Cela me mène à mon dernier point : je pense que l’identité collective est une chose à aborder en classe, de manière intelligente. Ce processus qui crée un « nous » et un « eux ». Celui qui fait dire que vous êtes « avec nous » (dites-le que « vous êtes Charlie ») ou « contre nous ». Il importe d’être conscient de ses propres prises de position, et si l’on veut dénoncer les dogmatismes, de sortir soi-même des dogmes.
L’unité n’est pas un mal en soi. Elle est parfois le résultat de sentiments louables, et peut se manifester de manière pacifique.
Je ne peux que saluer encore une fois les démarches silencieuses et pacifiques qui ont eu lieu en réponse aux drames meurtriers. C’est un beau témoignage, qui envoie un message fort : nous ne répondons pas aux armes par les armes (et pourvu que cela dure !).
Ce que j’espère, comme d’autres, c’est que cet unanimisme ne se transforme pas dans une attitude grégaire que l’on gagnerait par ailleurs à dénoncer dans ce contexte. La compréhension des processus à l’œuvre dans la création d’étiquette est fondamentale en éducation (d’ailleurs, pour éviter de qualifier un élève de « retors », de lui assigner indirectement une étiquette de « cas désespéré ») ou pour comprendre la société.
Pour conclure, je dirais que s’il est question de « défendre » « nos » « libertés », il importe d’être bien au clair sur ce que ces termes représentent. De quel « nous » est-il question ? Défendre, à quel prix, par quels moyens ? S’agit-il d’écraser les dissidents ? Quelles sont les limites de la liberté d’expression ? Comment être cohérent ?
La liberté d’expression entendue comme liberté de s’exprimer dans la mesure de l’offense (en reconnaissant le caractère poreux de cette frontière), excluant de ce fait les appels à la haine et les actes violents, est d’autant plus riche si elle se nourrit et si elle s’appuie de la diversité des opinions, du pluralisme et de la différence.
Un système libre autorise sa critique.
C’est la raison pour laquelle un enfant qui exprime son désaccord par rapport à une minute de silence n’est pas fouetté publiquement – et ne doit pas l’être ! -, comme il le serait dans d’autres systèmes pour une telle « infraction ».
C’est la raison pour laquelle je relaie des opinions avec lesquelles je suis en désaccord, et que je tâche d’y répondre avec les mots.
C’est cette liberté d’expression là, qui bénéficie à celui qui n’est pas d’accord et qui s’insurge ou à celui avec qui personne n’est d’accord et contre qui tout le monde s’insurge, que j’aurais invoquée pour « remettre le cadre », et pas celle qui bénéficie à ces autres qui sont bien dans les rangs… C’est parce que cette morale protège l’expression des minorités qu’elle se veut universaliste…