Émigrés? Migrants ? Exilés? Réfugiés ? Peu importe comment nous les appelons, ce sont eux qui nous appellent.
— bernard pivot (@bernardpivot1) September 7, 2015
Parfois, la volonté de « convaincre » l’interlocuteur engendre des débats sans fin sur les mots, liés à des accusations stériles. De même, certaines querelles (pseudo) factuelles peuvent être interminables tant les interlocuteurs se trouvent parfois dans une posture biaisée de sélection et de réappropriation des faits.
> Retour à l’introduction du dossier « Lutter contre la haine de l’autre »
Jouer sur les mots : une pirouette rhétorique émétique
Or, jouer sur les mots, c’est justement le jeu des extrêmes. En réalité, cela ne sert à rien de multiplier les concepts et les notions. Il faut sortir d’une bataille de sourds sur le sens des mots. Les symboles ont le sens qu’on leur donne en situation.
C’est la mauvaise foi que l’on retrouve exprimée par Claude Guéant ou encore Jean-Marie Le Pen lorsqu’il déclare ceci : « Moi, j’ai dit que la présence des Roms était urticante et odorante. Cela a été un tollé épouvantable ! Je renvoie bien sûr ces cuistres à l’étude du Larousse pour qu’ils regardent la différence qui existe entre odorant et malodorant ». Le Pen utilise « odorant » comme synonyme de « malodorant » (ou du moins cela a été compris comme cela), mais s’en défend en jouant sur les mots. Pourquoi souligner une odeur si celle-ci est « neutre » ?
Cette rhétorique agaçante de grossièreté semble pourtant faire les affaires du FN : la posture de l’incompris, face aux méchants qui veulent les museler et qui interprètent mal leurs propos. « Bon sang, ils sont pourtant limpides, nos propos », feignent-ils.
Faut-il censurer les propos racistes ? (2014)
Comme l’écrit Baptiste Campion, la plupart des discours racistes sont exprimés sous un « vernis de relative respectabilité ».
Le web, notamment dans les espaces ouverts en marge des médias institutionnels, est un terrain d’expression récurrent des idées racistes. Parce que l’on ne peut généralement pas écrire « sale nègre » sur un forum sans risque de voir le message supprimé par la modération, ces commentaires en ligne fournissent un corpus permettant de voir comment peuvent se construire et se diffuser des propos racistes sous un vernis de (relative) respectabilité.
Campion, B., Sémantique du racisme ordinaire (La Revue Nouvelle, 2013). Cet article est également très riche en ce qui concerne l’analyse sémantique, justement, de cette posture rhétorique.
De la sémantique à la pragmatique : mieux comprendre le sens des mots
Ne serait-ce que stratégiquement, il est donc intéressant de ne pas s’éterniser dans des batailles sur le sens des mots, ne pas s’y borner.
Il est important de dépasser les querelles sur le sens des mots, des gestes, des symboles ou autre et leur « décryptage » (sémantique) et de considérer ce que les individus interprètent, perçoivent et leurs actes en conséquence, dans un contexte bien défini ( ).
Les polémistes sont-ils responsables des interprétations de leurs propos ? (2012)
Une fois encore, l’idée ici est de ne pas se tromper de cible, et de s’en prendre à ce qui est faux, à la haine, à la violence et aux guerres. Il est question de s’attaquer simplisme, au rejet de l’autre et aux comportements destructeurs.
> Guerre(s) et philosophie (2015)
> Pour une éthique de la discussion (2013)
> Distinction entre sémantique et pragmatique (2014)
Il s’agit donc de prendre en compte non seulement les mots (ou les gestes) et leur sens « lexical », au dictionnaire, mais aussi comment les gens les interprètent, le sens qu’ils mettent derrière (y compris les raisons qui les poussent à y adhérer, par exemple).
Cela peut paraître paradoxal : pour sortir des querelles sémantiques stériles, il faut comprendre d’autant plus finement ce dont il est question, et qui est parfois de l’ordre de l’implicite, du non-dit, du « hors-discours ».
> Comprendre les causes de la haine et faire droit à la vérité de votre interlocuteur
> Retour à l’introduction du dossier « Lutter contre la haine de l’autre »