Les « tutos » ont beaucoup à nous apprendre

Les clips musicaux, les sketchs humoristiques et les animaux rigolos ne sont pas les seules catégories de vidéos à succès sur youtube. La catégorie des « tutos » prend de l’ampleur et se diversifie.

Les « tutos », ce sont des guides d’apprentissage « à distance », c’est-à-dire qu’ils vous permettent de vous former à quelque chose de manière quasiment autonome. Ils sont souvent thématiques et très concrets : comment réaliser une recette de cuisine, comment faire tel ou tel bricolage à la maison, comment s’exercer physiquement sans matériel, comment s’habiller et se maquiller à la mode, etc. De plus en plus de chaînes Youtube proposent de se former à l’une ou l’autre thématique.

Do-it-yourself

Ce phénomène peut être interprété de plusieurs manières. En étant optimistes, on peut y voir la volonté de certains individus d’apprendre par eux-mêmes, de moins dépendre de services – payants – pour réaliser des tâches qui peut-être autrefois faisaient partie du quotidien. C’est une manière de s’informer. Un tutoriel permet de mieux comprendre ce à quoi s’attendre, et donc de prendre des décisions en connaissance de cause. L’individu contemporain « dépossédé » de certains savoirs informels aurait donc la possibilité de reprendre un certain contrôle, et de choisir réellement ce à quoi il alloue son temps.

En étant plus pessimistes, on peut s’interroger sur les implications de ces contenus « do-it-yourself » (« fais-le toi-même »). Ceux-ci sont d’ailleurs parfois référencés avec l’acronyme « diy ». Ne traduisent-ils pas un morcellement croissant des pratiques ? Ne sont-ils pas justement les indicateurs d’un individualisme qui ne cesse de grandir ? A chacun ses écrans, à chacun ses contenus, où « je » veux et quand « je » veux…

A chacun ses écrans

Des types d’apprentissage spécifiques

Mais là où le phénomène des « tutos » a peut-être le plus à nous apprendre, c’est justement à propos de nos (nouvelles ?) manières d’apprendre.

D’abord, sur l’idée que l’apprentissage peut se faire sur base volontaire. Cela peut même avoir une dimension de divertissement, de plaisir et de loisir. D’ailleurs, le format des vidéos ou des articles de tutoriel n’est pas nécessairement un format ultra court. Une vidéo peut faire 25 minutes sans être considérée comme trop longue.

Ensuite, les vidéos de tutoriels montrent que les individus continuent à apprendre « d’humain à humain ». Pour faire un tutoriel, il suffit d’un humain qui explique et montre ce qu’il fait face caméra. Si les articles sont lus également, l’image animée et le son restent un canal privilégié. Apprendre, ce n’est pas seulement intégrer des contenus dans son cerveau, c’est aussi très souvent reproduire par imitation ce que quelqu’un nous a montré, comme lorsque nous apprenons à marcher, à écrire et peut-être même à exercer notre esprit d’analyse.

Il pourrait enfin être intéressant de s’interroger sur les thématiques des vidéos « populaires » : beauté (la Youtubeuse EnjoyPhoenix qui dépasse régulièrement le million de vues par vidéo) et fitness (Tibo InShape produit des vidéos qui recueillent plusieurs centaines de milliers de vues), cuisine (FastGood Cuisine dépasse parfois les centaines de milliers de vues par vidéo, souvent les dizaines de milliers), jeux vidéo (WizGamerz), bricolage et déco… Celles-ci semblent liées à un certain type de quotidien, et à un certain type de perception de celui-ci.

Pour terminer, d’autres types de vidéo semblent également se faire une place parmi les contenus « viraux » et populaires du web. Il s’agit des « pranks ». Ces vidéos fonctionnent comme des caméras cachées, et consistent à observer les réactions des gens face à un « piège » ou à une situation particulière. Ces « expériences sociales » sont peut-être elles aussi porteuses, si pas d’un apprentissage formel (la scientificité de ces expérimentations est parfois faible), au moins peut-être d’un certain type de « vécu » et de ressenti…