J’ai déjà attiré l’attention sur les risques de la réappropriation « marketing » de la notion de « réputation », y compris par des personnes qui se revendiquent du domaine éducatif (cf. notamment mon dossier Les apprentis sorciers de l’éducation aux médias (2012)).
A l’heure où le droit à l’oubli est réaffirmé, je pense qu’il y a un coté malsain à présenter les « faux pas » de communication d’un individu comme des tares dont il ne pourra jamais se défaire. C’est un fait que la dimension « publique » des interventions d’un individu sur la toile engendrent des interprétations, des jugements et ont un impact sur sa réputation (parfois difficilement prévisible, en raison de l’écoute indiscernable, de la mémoire du web, de la reproductibilité et de l’investigabilité). Néanmoins, il me semble judicieux de prendre distance avec un discours qui accorderait trop d’importance aux apparences et au regard des autres, favorisant une société du « personal branding », de la « popularité » ou encore de la compétition entre autres par comparaison, par exemple (cf. ma chronique sur l’image de soi en ligne et les selfies, et voir aussi des articles ici, ici, ici et ici, ou encore cette vidéo).
Il y a quelques temps, une enseignante m’interpellait encore sur le fait qu’un de ses élèves avait pratiqué le Revenge Porn et publié une sextape d’une fille de sa classe. Si un discours en amont peut en effet prévenir ce genre de phénomènes, je m’interroge sur le message qui est envoyé par « la société » à cette fille ou à son entourage. C’est d’ailleurs intéressant de noter que dans ce type de cas de figure, on s’inquiète davantage de l’avenir de la fille que de celui du garçon, probablement surtout parce qu’il est socialement moins bien vu pour une jeune femme de se prêter à ce genre de pratiques que pour jeune un homme.
Photos intimes d’adolescents sur Internet : pour une éducation au consentement
Il convient également de rappeler que sur le web, un buzz en efface un autre…
Je ne trouve pas constructif le fait de laisser penser aux gens (d’autant plus aux adolescents, potentiellement plus inquiets de leur image) que ceux-ci peuvent être réifiés ad vitam aeternam à certains de leurs comportements (cf. existentialisme). Bien sûr, la fille en question ci-dessus sera peut-être jugée par un futur employeur en fonction de ces faits. Cependant, grossir a priori l’impact et l’ampleur du regard social porté sur une personne ne me parait pas adéquat.
A mon sens, la réputation telle qu’elle est régulièrement abordée est un faux problème, ou du moins n’est qu’une partie du problème. Ne convient-il pas également de s’interroger sur des tendances sociales à se comparer, ou à évaluer et réifier les autres en fonction d’éléments de leur apparence ? Quant aux enjeux de vie privée et d’intimité, notamment, lire aussi ma chronique sur les questions d’espionnage, de confidentialité, de surveillance, etc. (dans laquelle je développe justement entre autres que les réponses réalistes aux enjeux de surveillance de masse ne se situent ni dans le fait de n’être inscrit sur aucun réseau social, ni dans une gestion factice de sa confidentialité ou de sa réputation).