La violence et le sexe dans les médias (notamment à la télévision) sont-ils dangereux pour les jeunes ?
Cette problématique est à mettre en relation avec la question de la causalité. Les médias rendent-ils « la société » plus violente ? Ou l’inverse ? Ou rien de tout cela (la violence et le sexe sont-ils réellement plus présents, ou seulement plus visibles ?) ? N’est-ce pas au fond quelque chose de bien plus complexe ?
Le problème des violences ne viendrait pas seulement des « méchants médias », mais de la société dans lesquels ils évoluent et s’enracinent. Cette société que nous-mêmes, récepteurs, nous contribuons à rendre telle.
Les discours ambigus que nous tenons par rapport au sexe et à la violence sont également à mettre en cause : la sexualité est-elle sale ? Que doit-on croire à ce sujet ? Quelles valeurs ? Tout cela ne va plus de soi, même pour les adultes. Au-delà du danger, c’est la question de savoir à quoi nous croyons, à quelles valeurs nous nous rattachons, qui est en jeu. Il ne suffit pas de fermer les yeux sur un phénomène, ni de le censurer : il faut tâcher de le comprendre et décider clairement ce qu’on en fait.
Quant à savoir si tout cela est « mal », contre-balançons cette idée par celle de « catharsis » : et si le fait de voir des meurtres/scènes sexuelles/autres ne satisfaisait pas en quelque sorte certains de nos plus bas instincts ? Et si tout cela nous permettait de « purger » notre ressenti négatif ? Les théoriciens (psychologues, philosophes, sociologues…) ne sont toujours pas d’accord pour affirmer que la télévision rendrait violent (d’un point de vue comportemental), et plus que probablement pas à court terme, même si des études attestent de faits qui vont tantôt dans un sens (neurones et hormones activées suggèreraient la violence, même s’il n’y a pas passage à l’acte ; ressenti exprimé aussi), tantôt dans l’autre (théorie de la catharsis, autres types de ressentis exprimés, etc.).
L’Île de la tentation repose sur tout un concept : des couples volontaires s’exposent volontairement à la tentation sexuelle. Et ils sont nombreux à y céder. Les émissions de type « dismissed » ou « Tila, célib[ataire] et bi[sexuelle] » sont aussi marquées par une réification idéologique des personnes : on peut tout tester, puis jeter et choisir jusqu’au prochain jeu érotique. Ce sont des objets à consommer. La souffrance générée et la spectacularisation de la sphère intime sont-elles moralement acceptables ?
Mais au regard des œuvres du Marquis de Sade… La problématique de la violence et du sexe extrême dans les médias est loin d’être neuve.
> Edit 2013 : cf. à ce sujet l’article de Xavier Molénat : « Écrans : attention danger ? », in Sciences humaines, le 27/09/2013, ainsi que la troisième partie de mon dossier sur les apprentis sorciers de l’éducation aux médias.
Ces émissions sont entrecoupées de nombreuses publicités pour des produits de beauté, des parfums ou encore des préservatifs et autres adjuvants sexuels… Être séduisant est important. C’est un problème de notre société.
Ce que je propose, ce n’est pas une censure pudibonde inutile qui ne couvrirait certainement pas l’étendue de tout ce qu’on peut trouver via les médias (Internet et ses nombreux sites pornographiques, ainsi que la violence qu’il recèle), mais un apprentissage de ce que recèlent ces choses, de leurs enjeux. De même qu’il serait intéressant d’évaluer les enjeux des postures moralisantes réactionnaires.
Si la violence et le sexe lui aussi violent (même pas animal, car eux font ça globalement uniquement pour la reproduction et non l’assouvissement de fantasmes macabres) ont quelque chose d’attrayant pour certains ou dans certaines situations, il faut pouvoir nommer cet attrait, accompagner le jeune (qui n’est pas un « abruti passif qui gobe tout ce qu’il y a dans les médias ») dans le risque et lui faire comprendre combien le monde contient des possibilités différentes, non seulement en fonction de ces risques, mais aussi du point de vue des richesses et apprentissages potentiels.
De surcroit, les enjeux ne sont pas toujours dans les risques immédiats qui sont habituellement pointés du doigt. Au niveau du marketing autour du sexe, par exemple, on peut se poser des questions sur ce qui est important socialement, et sur les impacts en termes d’image de soi, d’apparence, etc.
Une éducation à ces enjeux me semble bienvenue dans une certaine mesure, pourquoi pas sous la forme d’une « éducation aux médias » ou d’une « éducation à la relation » (éthique et « citoyenne », d’attention à autrui) plutôt que d’éducation sexuelle (cours teintés de morale et/ou se limitant à la propagande pro-préservatifs). Les logiques s’étendent aux problématiques des drogues, du suicide, etc. Du coup, un cours de « questions pratiques », autrement dit d’éthique, serait pour moi aussi très profitable.
A ce sujet :
- Étude sur les jeunes, le sexisme et les médias, par la cellule égalité des chances de la CFWB
- Le sexe marchand, par Mathieu Bock-Côté
- La question des risques dans les médias, en général : Penser le risque, par Thierry de Smedt
- Les apprentis sorciers de l’éducation aux médias (3) : le cas du sexe et de la violence dans les médias