J’ai été interviewé à propos de l’importance du dialogue dans le cadre du projet WeMixBrussels.
« Après une vaste enquête de terrain à Bruxelles en 2020, Socaba a lancé fin 2021 WeMixBrussels, un projet pour sensibiliser à la polarisation dans notre capitale et donner de la visibilité aux solutions renforçant la cohésion sociale. Avec ce projet, nous voulons informer les Bruxellois sur les risques des divisions existantes et mettre en lumière les opportunités de créer une société plus inclusive. WeMixBrussels relie les citoyens, la société civile et le niveau politique sur le thème de la polarisation. Nous racontons des histoires convaincantes sur les initiatives déjà en cours et sur la manière dont chacun peut faire une différence positive » (WeMixBrussels).
Dans la vidéo, je présente d’abord mon travail de formateur en gestion de conflits à l’Université de Paix asbl, en le reliant aux enjeux d’un dialogue nuancé et constructif que j’identifie dans mon livre.
« Le désaccord en tant que tel, ce n’est pas grave. La question est de savoir comment nous pouvons vivre ensemble avec ce désaccord »
Ensuite, je développe les 3 verbes que j’associe à la nuance : comprendre, discerner et dialoguer (ou se rencontrer).
Comprendre implique de se mettre à la place de l’autre : il ne s’agit pas seulement d’une assimilation lexicale, mais d’une ouverture au vécu subjectif de l’autre, d’une capacité à écouter au-delà du désaccord. Cela ne revient pas pour autant à abandonner ses propres opinions.
Discerner correspond à déterminer dans quelle mesure les affirmations ou discours auxquels nous sommes confrontés sont vrais : correspondent-ils à ce qui s’est réellement passé (examen du rapport entre les mots et le monde), sont-ils intrinsèquement cohérents, valides au niveau logique (examen du rapport des mots entre eux) et que nous apprennent-ils sur celles et ceux qui les énoncent, sur leurs perspectives ou encore sur les contextes dans lesquels ils sont énoncés (examen du rapport entre les mots et les gens) ?
Enfin, dialoguer (ou se rencontrer) suppose des espaces et des opportunités de le faire, ce qui renvoie entre autres à des questions de cohésion sociale. Le dialogue que j’appelle de mes voeux dans mon livre se distingue de la simple « joute » verbale par son objectif constructif. Il s’agit, entre autres par le partage du questionnement, de créer des conditions favorables à un échange enrichissant.
Enfin, j’évoque des limites au dialogue. Dans certaines situations, il apparait plus judicieux de se protéger, s’économiser et se tolérer.
La discussion n’est pas toujours adéquate, et elle peut même être risquée. N’est-ce pas indécent d’exiger que les autres soient nuancés quand ceux-ci doivent se défendre voire lutter pour leur survie ? L’injonction à la nuance, ce n’est pas faire preuve de nuance. Au contraire, être nuancé consiste à acter qu’il est parfois nécessaire de se protéger.
L’idée de s’économiser part du principe que le dialogue demande des ressources et implique des contraintes. Discuter à propos d’un thème particulier ou avec une interlocutrice particulière, c’est choisir de ne pas le faire concernant d’autres thèmes ou avec d’autres personnes. Dans le débat public, surtout, il y a de véritables enjeux à réfléchir à la place et au format de différents sujets et personnages.
Enfin, le fait de se tolérer signifie non pas d’accepter tout et n’importe quoi dans un élan relativiste naïf, mais de se garder de juger négativement des modes de vie différents des nôtres tant qu’ils ne portent pas préjudice à autrui. En ce sens, il est parfois stérile de vouloir dialoguer de tout.