Articles en gestation : minimalisme moral, marché amoureux et économie du lien

Pendant l’écriture de Nuance ! La puissance du dialogue, j’ai mis entre parenthèses plusieurs sujets que j’aimerais approfondir (j’en ai fait état précédemment). En voici une compilation actualisée.

John Martin - La Destruction de Sodome et Gomorrhe (1852)

John Martin – La Destruction de Sodome et Gomorrhe (1852)

Amour et philosophie

En prolongement de mes articles Amour et philosophie (Amour et philosophie (2015), De l’amitié (2018), Ruwen Ogien, Philosopher ou faire l’amour (2020)), j’envisage d’écrire un article sur “le marché amoureux”.

Pour l’instant, il n’est qu’à l’état d’ébauche (depuis plus d’un an). C’est un sujet très délicat.

D’un côté, il me semble opportun de questionner toutes les « règles implicites » qui font pression sur les individus dans le cadre des relations amoureuses. C’est extrêmement complexe, dans la mesure où c’est un domaine qui se retrouve à l’intersection de différents « pouvoirs » et de différents types de normes sociales, impliquant de nombreuses discriminations implicites (culte du corps et de l’apparence physique, grossophobie, rôles genrés et sexisme, statut social…). De plus en plus d’ouvrages mettent en évidence l’impact par exemple d’une éducation sexiste, réduisant chaque personne à des rôles préformatés, souvent de manière inéquitable. J’ai l’impression que l’on pourrait aller encore plus loin en étudiant des fonctionnements plus diffus et peut-être moins « avouables » contribuant à faire pression sur les relations sentimentales. Je pense notamment à la question de la propriété, cancer selon moi de notre organisation sociale (tout en me demandant si celle-ci n’est pas profondément ancrée en nous, quand bien même elle serait culturelle, surtout lorsqu’il est question de sentiments amoureux…). Je songe aussi au phénomène des « incels », entre autres exemples. Je fais l’hypothèse que la façon dont fonctionne le « marché amoureux » est interdépendante de rapports de pouvoir et de domination que l’on peut observer par ailleurs, et qu’il est réducteur de les appréhender dans une vision causale linéaire (surtout si cette approche est uniquement « identitaire », « catégorielle », focalisée sur des caractéristiques d’individus pris isolément les uns des autres). « Si tu reviens, j’annule tout » : les dynamiques de pouvoir peuvent être complexes dans un système où tout est potentiellement monnaie d’échange, et où la désidérabilité ou l’amour de l’être aimé sont le Saint Graal à atteindre à tout prix.

D’un autre côté, j’ai du mal à aborder la question amoureuse essentiellement par le prisme des relations de pouvoir, et a fortiori à faire des généralités dans ce domaine (qui, de ma perspective, devient de plus en plus conflictuel, polarisé politiquement et idéologiquement…). Idéalement, je souhaiterais que l’on puisse transcender cette approche.

J’ajouterais enfin que j’éprouve des contradictions internes entre ce que je pense et ce que je ressens à l’égard des relations amoureuses : si certaines choses m’apparaissent comme préférables sur un plan purement cognitif ou dans une forme de rationalité éthique, les vivre provoque en moi une douleur qui m’interroge quant à leur pertinence…

Lectures connexes :

  • Eva Illouz, Les marchandises émotionnelles et Pourquoi l’amour fait mal.
  • François De Smet, Eros Capital. Les lois du marché amoureux.
  • Serge Chaumier, La déliaison amoureuse.
  • Ruwen Ogien, Philosopher ou faire l’amour.
  • Roland Barthes, Fragments du discours amoureux.

Après cet article à propos du “marché amoureux”, je songe à un article qui s’intitulera vraisemblablement “éthique de l’amour” ou “éthique de la relation amoureuse”. Rien que ça… !

L’Humanité mérite-t-elle d’être sauvée ?

Un texte intitulé “l’Humanité mérite-t-elle d’être sauvée ?” > En lien avec Guerre(s) et philosophie, Face à l’absurde des guerres et des attentats et Armement et bombes nucléaires : l’Humanité en sursis ?, ainsi que mes articles à propos de “finitude humaine” et “banalité du mal”, et dans la même veine que Ca faisait longtemps. C’était dans une autre vie.

Didactique : comment favoriser la compréhension et la mémorisation des contenus ?

Suite à plusieurs réflexions récentes, j’aimerais renouer avec la didactique sur Philomedia, en investiguant la question suivante : « Qu’est-ce qui fait que des apprenants ne comprennent pas les contenus / ce qui est attendu d’eux ? »

En l’occurrence, j’y parlerais de Bourdieu et de maîtrise des codes socioculturels : la compréhension d’un énoncé passe par la maîtrise des énoncés implicites qu’il y a autour. Je ferais le lien avec la notion de contrat didactique (Brousseau). J’y parlerais aussi de Daniel Faulx (ULiège) qui épingle « les 3 sens du mot ‘sens’  » : signification, sensation (lien avec le concret) et direction (à quoi ça sert). Une incompréhension peut être abordée selon ces différents angles. Je songe aussi à y parler de pari d’éducabilité, d’intelligence(s) et de la différence entre généraliste et spécialiste…

A ce sujet, sur mon site : Didactique

✔ Panique morale et éthique minimale (Ogien)

Et si, le “vrai” bien, c’était de ne pas nuire à autrui, et rien de plus ? L’un des principes de l’éthique minimale développée par Ogien est la « neutralité / réserve à l’égard des manières de vivre personnelles ». Une des bases de ce discours est la distinction entre le mal que l’on peut se faire à soi et le mal (nuisance, violence…) que l’on peut faire à autrui. Ogien propose de ne juger moralement que ce qui nuit manifestement aux autres.

Tweet de Martin Pierre : « L‘EMI à toutes les sauces ? « Déconstruction de la propagande séparatiste, sensibilisation les plus jeunes au bon usage d’internet ou encore valorisation et la défense des valeurs de liberté », voici le programme de Marlène Schiappa ». Alors que je lis « La panique morale » d’Ogien, un beau lien avec l’éducation aux médias, un autre de mes thèmes de prédilection. Vous reprendrez bien un peu de moraline ?

[Update 2022/07] L’article en question : « Ruwen Ogien : paniques morales et éthique minimale »

Economie du lien versus économie de contenu

J’ai aussi envie de traduire le travail de Jeff Jarvis à propos de l’économie du lien face à l’économie de contenu (et à ses dérives), d’autant plus qu’il me semble que le lobbying autour des droits d’auteurs visant à restreindre la circulation des œuvres est de plus en plus puissant (cf. aussi ce qui se passe au niveau des DRM ou même encore en ce qui concerne l’économie autour des NFT, par exemple). Il s’agit d’idées je mentionne notamment dans mon article à propos du fonctionnement des agences de presse. J’avoue toutefois que j’ai un peu peur d’être attaqué – une fois de plus – par des gens ou des entreprises pour qui l’économie de contenu est très lucrative, tout comme je suis parfois inquiet pour mon intégrité physique ou morale lorsque je m’attaque à de la désinformation haineuse ou à d’autres postures idéologiques extrêmes…

Lire aussi : L’économie politique du codage du capital, par Katharina Pistor (Le Grand Continent, 2022)

Les contenus à valeur culturelle sont faits pour circuler. Les miens peuvent être partagés (et puis droit de citation) à des fins non commerciales par tout le monde, sauf par les © trolls et leurs client (de toute manière, utilisation non commerciale et (c) troll, c’est un oxymore…)

Industrie du manga : *pourrait faire des tonnes de blé en ayant recours à des copyrights trolls*

Aussi industrie du manga : *ne le fait pas*

D’autres industries pourraient en prendre de la graine, d’autant plus celles qui chouinent de souffrir d’un manque de confiance citoyenne

A ce sujet, lire ces articles connexes : Qu’est-ce qu’une agence de presse ? Jeff Jarvis plaide pour une « économie du lien » (2020) et Business des médias : quels modèles économiques pour (sauver) la presse ? (2020) et Par qui ce site est-il financé ? Pour qui roule Julien Lecomte ?

✔ Circulation des thèses conservatrices

J’ai déjà écrit concernant la circulation des fake news, et également sur la lutte contre les discours de haine. Une réflexion que j’aimerais investiguer à travers un témoignage concerne l’adhésion à des thèses idéologiques comme « il faut renforcer la sécurité », « il faut renforcer la surveillance / le contrôle / les sanctions » et basées sur un manichéisme moral. Les thèses réactionnaires et les paniques morales se fondent souvent sur une représentation naïve et manichéenne de la moralité. Exemple : « si on durcit la surveillance et qu’on punit davantage, il y aura moins de criminalité ». Ce que je voudrais développer est en lien avec la question de la décentration et tient dans une hypothèse de travail assez simple : ces positions tiennent en grande partie de l’ignorance, mais cette ignorance n’est pas seulement cognitive, elle est avant tout sociale.

[Update 2022/07] L’article en question : Comment comprendre la circulation des thèses réactionnaires ?

✔ Comment j’ai réduit mon empreinte carbone (pas assez) et quoi faire ensuite

Un témoignage concernant les façons que j’ai trouvées de réduire mon empreinte carbone.

[Update 2022/07] L’article en question : « Comment j’ai réduit mon empreinte carbone (pas assez) et quoi faire ensuite ».

D’importance secondaire

  • Un texte nommé “le fantasme paranoïde”, à propos de cette posture consistant à croire qu’un avis largement partagé est censuré ou particulièrement ciblé par une forte opposition. Autrement dit, ce fantasme paranoïde correspond par exemple au fait de dire « Personne n’en parle ! », « Nous sommes censurés ! » ou encore « Nous sommes les victimes d’une pensée dominante ! » alors même que ce n’est pas le cas. A ce sujet, voir aussi « On ne peut plus rien dire ! » – La liberté d’expression
  • Les réactions genrées aux photos de profil
  • L’image du « Good Guy » : comment être « quelqu’un de bien » ? Comment être une « bonne personne » ?

C’est parfois difficile de se remettre en question. Quand ça m’est arrivé, c’est venu toucher à l’image du « Good Guy » que je pensais / voulais être. La prise en compte de cette dimension intime et morale des idées (a fortiori politiques) me semble importante. A mon avis, peu de personnes soutiennent des idées ou des actes en se disant qu’elles font du mal, soit parce qu’elles se désengagent moralement (dilution de responsabilité, etc.), soit parce que de leur point de vue, leurs positions sont justes. Changer, c’est donc parfois faire face à des dissonances cognitives – et morales – où il s’agit d’assumer qu’on est peut-être dans le « mauvais camp »…

Précédentes news